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La carte qui coule

Le Merle- Salon de Provence

Avec Jean - Luc Brisson, artiste plasticien

le 28 avril 2013

Narration

Pour ce deuxième épisode, Echelle 1 a suivi le cours de la Durance et des canaux du territoire de Marseille Provence 2013 pour accoster au Partiteur du Merle, véritable noeud d’eaux, de routes, de lignes électriques et aériennes et nous parler d'eau, de débit d'eau, de gestion de l'eau, de trafic, de la Durance et d'irrigation.

 

Oeuvre et artiste : Jean - Luc Brisson

Jean - Luc Brisson, à l’aide d’une table couverte de cailloux, morceaux de bois provenant de la Durance, nous a raconté l’histoire de la Durance de sa source jusqu’au Rhône dans lequel elle se jette, cette source au destin avorté, à travers la définition d’un mot nouveaux : l’adurance.

Mappage

Enfin, les mappeurs ont, comme l’eygadier, démêlé le noeud des canaux pour redistribuer l’eau dans chacun des canaux, et ainsi rédiger la carte des canaux à l’échelle 1.

Les cartes

 

Adurance :

[adyrãs] nom féminin.

Sentiment qu'un grand projet initié avec fougue a échoué, mais qu'il en reste finalement des éléments détournés et atomisés. C'est une forme singulière d'endurance. Ressentir, provoquer de l'adurance. L'enthousiasme a tourné à l'amertume à force d'empêchements, mais a fini par réapparaître en considérant une déviation de l'action originelle, l'adurance est un sentiment par ricochet. De : Durance, rivière du sud-est de la France, 305 km, au régime pluvio-nival qui a perdu son débouché s'enlisant dans ses propres boues et détournant ainsi son cours pour se jeter dans le Rhône. (cf. Crau, ancien delta de la Durance.) L'eau de la Durance est prélevée par de nombreux canaux afin d'alimenter la métropole Marseillaise en eau potable ainsi que l'agriculture et l'industrie d'une grande partie de la Provence.

 

Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages

Agnès Varda

 

 

Telles des chèvres en détresse, sept Mercedes-Benz vertes, les fenêtres crêpées de reps grège, descendent lentement West End Street et prennent sénestrement Temple Street vers les vertes venelles semées de hêtres et de frênes près desquelles se dresse, svelte et empesé en même temps, l’Evêché d’Exeter. Près de l’entrée des thermes, des gens s’empressent. Quels secrets recèlent ces fenêtres scellées ?

Georges Perec, Les revenentes

 

Vous n’avez qu’à retourner un homme dans une autre direction une fois, les yeux fermés, pour qu’il soit complètement perdu.

Chaque homme doit réapprendre ses points cardinaux toutes les fois qu’il s’éveille, que ce soit après avoir dormi, ou après avoir rêvé éveillé.

[…]

Ce n’est que lorsque nous nous sommes perdus, lorsque nous sommes perdus au monde, que nous commençons à nous trouver, que nous nous rendons compte de l’endroit où nous sommes, et de l’étendue infinie des liens qui nous y rattachent.

Henry David Thoreau, Walden

 

Comment parler de ces choses communes ; comment les traquer plutôt, comment les débusquer et les arracher de leur gangue, comment leur donner un sens, une langue ? Qu’elles parlent enfin de ce qui est et de ce que nous sommes.

Georges Perec, L’infra-ordinaire

 

Sur une pancarte, au mur, le profil d’un bœuf apparaît comme une carte géographique parcourue par des frontières qui délimitent les aires d’intérêt comestible : elles comprennent l’anatomie entière de l’animal ; exception faite des cornes et des sabots. C’est là une carte de l’habitat humain, non moins que le planisphère du globe terrestre : aussi bien l’une que l’autre sont en sommes des protocoles sanctionnant les droits que l’homme s’est attribués, de possession, de partage et de dévoration sans résidus, des continents terrestres comme des lombes du corps animal.

Italo Calvino, Palomar

 

Actuellement, l’exploitation de ces richesses se fait dans le plus grand désordre et presque au hasard, suivant les caprices des propriétaires riverains, et le résultat de ces disparates est trop souvent le désastre pour tous. L’un égoutte le sol de son domaine en le drainant par des canaux souterrains, et par ces apports grossit ainsi le volume du ruisseau ; un autre l’appauvrit au contraire en faisant des saignées à droite et à gauche pour arroser ses champs ; un autre encore abaisse le niveau moyen des eaux en nettoyant le fond et en détruisant les arêtes. […] Ce sont des fantaisies contradictoires, des avidités en conflit, qui prétendent régler la marche du ruisseau.

 

Toutefois, en échappant à son lit, l’eau ruisselante, divisée en artères et en artérioles sans nombre, n’en travaille que mieux. Réduite en filets assez minces pour être bue au passage par les radicelles des plantes, elle entre d’autant plus facilement dans le torrent de la circulation végétale pour se changer en sève, puis en bois, en feuilles, en fleurs, et se répandre de nouveau dans l’atmosphère en se mêlant aux senteurs des corolles.

 

Richesse commune à tous, c’est le travail associé de tous qui le transformera pour les campagnes en une véritable artère de vie.

Élisée Reclus, Histoire d’un ruisseau

 

 

Là où l’agriculture impliquait des ouvrages substantiels et centralisés pour la maîtrise de l’eau, les représentants du gvt monopolisèrent le pvr politique et la direction de la sté, dominant l’éco du pays. En empêchant l’essor de forces rivales, telles qu’un syst féodal de chevalerie, une église autonome ou des viles marchandes autoadministrées, ils surent se rendre les seuls maîtres de la sté. C’est cette combi entre une agri hydraulique, un gvt gardant le monopole de l’eau, et une sté à pôle unique, qui constitue l’essence institutionnelle de la civ hydraulique.

Karl Wittfogel, Le Despotisme oriental

 

Cette eau a fait changer de visage aux terroirs qu’elle arrose et leur a causé d’autant plus de profit qu’auparavant ils étaient de peu de valeur à raison de l’importune chaleur méridionale du pays.

Olivier de Serres, Théâtre d’agriculture et mesnage des champs

 

Le canal de Craponne n’est point navigable, n’ayant que 2 à 3 pieds de largeur sur 3 de profondeur ; tout petit qu’il est, il produit néanmoins des richesses considérables sur une étendue de 12 lieues de longueur. On est parvenu, par un grand nombres de rigoles transversales, à faire naître l’abondance dans un canton qui n’en avait pas paru susceptible. On y a semé du blé depuis dans les endroits les plus favorables, et les autres produisent , entre les cailloux, de l’herbe succulente, servant à nourrir un grand nombre de troupeaux. Cet exemple servira toujours d’encouragement pour tenter un projet plus vaste.

Encyclopédie

 

Dans les cas d’investissement d’une place, je sais comment chasser l’eau des fossés et faire des échelles d’escalade et autres instruments d’assaut.[…]

En temps de paix, je puis égaler, je crois, n’importe qui dans l’architecture, construire des monuments privés et publics, et conduire l’eau d’un endroit à l’autre. Je puis exécuter de la sculpture en marbre, bronze, terre cuite.En peinture, je puis faire ce que ferait un autre, quel qu’il puisse être.

Léonard de Vinci, lettre de à Ludovic le More

 

Dans toute la France il y a un proverbe qui dit : « Faute de grives, on mange des merles » : la Corse seule, après avoir lutté inutilement pour sa nationalité politique, a lutté avec plus de bonheur pour sa nationalité culinaire, et parmi nos départements, il est le seul qui continue de dire : « Quand on n’a pas de merles, on mange des grives ».C’est que les merles corses ont une saveur toute particulière qu’ils doivent aux baies de genévrier, de lierre, de myrte, de nerprun, aux graines de gui, aux fruits de l’alisier, de l’églantier. Aussi la Corse ne se contente-t-elle pas de manger ses merles, elle en envoie de pleines terrines dans toutes les parties du monde ; il suffit pour les conserver, de verser dans un vase de grès du saindoux fondu et de jeter dans ce saindoux des merles plumés dont on a enlevé les gésiers ; le saindoux se prend sur eux, les enveloppe d’une couche de graisse que l’air essaye inutilement de percer, et qui les conserve pendant des années.

Alexandre Dumas, Dictionnaire de cuisine

 

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